Les récompenses : principe, évaluation et fiscalité
- quentinprim
- 27 nov. 2024
- 5 min de lecture

Vous êtes marié(e) sous le régime légal de la communauté et vous avez investi de l’argent issu d’un héritage dans l’achat du domicile conjugal ? Les échéances de votre prêt immobilier personnel ont été payées par le compte joint ? Vous pouvez bénéficier ou être redevable d’une récompense envers la communauté lors de la liquidation du régime matrimonial.
Définition et principe
Le mécanisme des récompenses est un outil du droit patrimonial de la famille permettant de corriger les mouvements de fonds qui ont eu lieu durant le mariage sous un régime de communauté.
Le régime communautaire implique l’existence de trois patrimoines : le patrimoine commun, composé en principe de tous les biens et fonds acquis durant le mariage, et les patrimoines propres de chaque époux, comprenant essentiellement les biens acquis avant mariage, ceux dont les époux ont hérité ou qui leur ont été donnés et les biens à caractère personnel (vêtements, bijoux…).
Une récompense est due chaque fois que des fonds issus d’un patrimoine propre ont été utilisés dans l’intérêt de la communauté (art. 1433 C. civ.) ou, inversement, que des fonds communs ont servi à des dépenses propres à un époux (art. 1437 C. civ.).
Attention : lorsque des fonds appartenant à un époux ont servi à payer une dépense personnelle de l’autre (par exemple, un époux qui utiliserait une partie de son héritage pour financer des travaux dans l’immeuble propre de son conjoint), c’est le régime des créances entre époux qui s’applique et non celui des récompenses.
Calcul des récompenses
Les récompenses obéissent à des modes de calcul spécifiques dont l’origine se trouve à l’article 1469 du code civil :
« La récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.
Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.
Elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné avant la liquidation, le profit est évalué au jour de l'aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien. »
Ce texte sibyllin peut être traduit simplement. La récompense peut soit être égale à la dépense faite, c’est à dire au nominal, soit au profit subsistant, en tenant compte de la plus-value générée depuis la dépense.
Si la dépense réalisée était nécessaire (ex. : des travaux indispensables, le paiement d’impôts ou de primes d’assurance) ou si elle n’a généré aucune plus-value, la récompense sera du même montant que le paiement effectué, sans tenir compte de l’inflation.
Ainsi, si un époux a prélevé 10 000 € sur le compte joint pour payer les taxes foncières de son immeuble propre, il devra une récompense d’un montant de 10 000 € à la communauté.
Si la dépense réalisée était une dépense d’amélioration (ex. : travaux d’embellissement, ajout d’une piscine, agrandissement) ou d’acquisition (ex. : achat d’une maison, de valeurs mobilières, apport dans l’acquisition d’un fonds de commerce) et qu’elle a généré une plus-value, il en est tenu compte dans le calcul de la récompense.
Par exemple, dans le cas d’une acquisition, un époux a apporté 10 000 € de fonds propres pour l’achat d’un immeuble commun pour un coût total de 100 000 € à l’achat et l’immeuble vaut 120 000 € lors du partage. Il aura droit à une récompense de (10 000 / 100 000) x 120 000 = 12 000 €.
S’il s’agit d’une dépense d’amélioration, le calcul est différent : on soustrait la valeur actuelle du bien avec l’amélioration effectuée à ce que serait sa valeur aujourd’hui sans l’amélioration. Par exemple, si des fonds communs ont servi à la construction d’une maison sur le terrain appartenant en propre à un époux, la récompense est égale à la valeur actuelle de l’immeuble complet (terrain + construction) moins la valeur actuelle du terrain nu.
Si le bien a été vendu avant le partage, c’est sa valeur au jour de l’aliénation qui est prise en compte et non sa valeur actuelle.
Preuve des récompenses
Le cœur du contentieux relatif aux récompenses porte sur la preuve qu’un mouvement de fonds a bien eu lieu. Elle peut être plus difficile à produire si la dépense a été faite en faveur d’un patrimoine propre ou si la récompense est évaluée au profit subsistant.
En effet, toutes les dépenses effectuées par les époux sont présumées être faites 1) avec des fonds communs 2) dans l’intérêt de la communauté. Par conséquent, il appartient à celui des époux qui revendique une récompense pour lui-même de démontrer que les fonds utilisés avaient une origine propre et à celui qui revendique une récompense au nom de la communauté de démontrer que les fonds communs ont été utilisés dans l’intérêt personnel de l’autre époux.
Par ailleurs, pour que la récompense soit évaluée au profit subsistant, il est nécessaire de démontrer à la fois l’origine des fonds et l’affectation qui en a été faire et d’apporter les éléments permettant l’évaluation au profit subsistant (notamment des estimations du bien et des éléments permettant de déterminer le coût de l’opération initiale). Ces preuves peuvent être difficiles à réunir, d’autant plus si le mouvement de fonds date de plusieurs années voire décennies, mais sont indispensables pour que la récompense soit reconnue en justice en cas de contestation.
Imputation des récompenses
Une fois la récompense reconnue et évaluée, elle s’ajoute à l’actif ou au passif de la communauté selon qu’elle en est créancière ou débitrice. Parallèlement, elle est imputée aux droits de l’époux qui en est créancier ou débiteur. In fine, le calcul revient à augmenter ou réduire le montant de ses droits de la moitié du montant de la récompense.
Ex. : la communauté doit une récompense de 10 à un époux. Elle est composée d’un immeuble qui vaut 100. L’actif net communautaire est donc de 100 – 10 = 90. Chaque époux a droit à la moitié mais la récompense est ajoutée aux droits du créancier : 90/2 + 10 = 55. Sans la récompense, ses droits auraient été de 100/2 = 50.
Fiscalité et récompenses
Afin d’éviter les accords entre époux qui auraient pour seul but de réduire les droits de partage dus à l’Etat, l’assiette de l’impôt ne tient pas compte des récompenses inscrites au passif de la communauté.
Le droit de partage est en principe de 1,1% de l’actif net. Ajouter artificiellement des récompenses en faveur des époux aurait pour effet de réduire l’actif net, possiblement même de l’annuler.
En revanche, les récompenses inscrites à l’actif de la communauté sont bien incluses dans le calcul des droits de partage.
Pour éviter des déconvenues lors de la liquidation de votre régime matrimonial, adressez-vous à un Avocat en droit de la famille qui saura vous aiguiller au mieux de vos intérêts.





Commentaires